L’auteur Julien Gravelle a accepté de collaborer avec la Société d’histoire et de généalogie Maria-Chapdelaine pour cet article de blogue concernant des événements historiques de notre territoire. M. Gravelle est l’auteur des titres suivants : Musher et Nitassinan, parus aux Éditions Wildproject, en France, ainsi que Nos renoncements, Les Cowboys sont fatigués et Debout sur la carlingue, parus chez Leméac Éditeur, au Québec.
C’est en 1921, que s’ouvre une des pages les plus intrigantes de notre histoire régionale, le schisme du Grand rang de Girardville.
Il y a deux manières de raconter cette histoire. La première, c’est de faire le truculent récit d’une communauté villageoise se rebellant contre le pouvoir centralisateur de l’Évêché de Chicoutimi.
Cette année-là, les colons répartis dans le Nord du Canton Girard veulent se constituer en municipalité en bonne et due forme, qu’ils nomment Girardville. Ils ont taillé à la force de leur bras un espace cultivable au coeur de la forêt boréale. Ils veulent à présent une forme de souveraineté, qui s’incarne à cette époque dans une église en bonne et due forme, symbole de l’alliance de l’Église et de l’État.
Tout plaide pour que celle-ci soit construite sur le 1er rang, le plus peuplé, où on trouve déjà un magasin général et une fromagerie, mais l’évêché ne l’entend pas de cette oreille. Le premier curé du village officiera sa première messe en 1932 dans l’école du 6e rang. Sans même attendre que la question de la localisation de l’église soit tranchée, il regroupe les volontaires et commence les travaux.
C’est là que commence la farce, pourrait-on dire, un scénario à faire baver d’envie les producteurs de séries historiques. Des femmes, en particulier, se mobilisent. L’une d’elles, armée d’un aviron, frappera même le curé l’empêchant de récupérer les objets sacrés de la petite chapelle qui avait été construite dans le 1er rang.
Frondeurs, les opposants au projet feront publier une annonce dans un journal anglophone de Montréal pour recruter un ministre du culte et construire leur propre chapelle. Ce sont deux missionnaires du mouvement évangélique des Petits Frères qui se présenteront. Ainsi a eu lieu au coeur de la forêt boréale un schisme qui a fait que pendant longtemps les enfants n’allaient pas à la même école et les parents ne priaient plus à la même chapelle.
Je disais que si cette histoire peut être drôle, elle peut aussi être racontée tout autrement. Car autour de ces querelles villageoises qui ont tourné à la bataille théologique, se sont joués bien des destins et des tragédies familiales. C’est tout le tissu social du village qui a été déchiré et qui, à force de patience, a été recousu. La tentation est grande de mettre bien vite un couvercle sur ces années terribles. Je crois que ce serait une erreur, car à l’heure où notre région connaît la plus grande mutation sociologique de son histoire récente en devenant plus multiculturelle, il est important de se rappeler quelles blessures l’autoritarisme et l’intolérance peuvent occasionner aux petits villages.
Ligne du temps :
1900 Arrivée des premiers colons |
Par Julien Gravelle, auteur
Sources :
Daniel Côté. « Schisme de 1932 à Girardville, L’Église a abusé de son autorité », Progrès-Dimanche, 19 mars 2000, p. 5 [En ligne : https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3513194].
Frédérick Lessard. « Une vraie chicane de clocher : Le grand schisme de Girardville », Journal À Cause? (copie Société d’histoire et de généalogie Maria-Chapdelaine).
Yves Petelle. Pionniers de l’Évangile au Québec, Assemblée Évangélique de Girardville, 75 ans d’histoire et de souvenirs, Les Éditions de la Sentinelle, Jonquière, 2008, 162 p.
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