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Les ponts de Mistassini : feux, sabotage et reconstructions

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Le premier pont de bois (1898-1932)

Le pont surplombant la rivière Mistassibi a connu bien des péripéties. Les Pères Trappistes demandent au gouvernement provincial d’étudier les chemins possibles pour un grand pont couvert, et ce, peu de temps après avoir construit celui passant sur la Mistassini, vers le canton Parent (le pont de bois de Dolbeau en 1893). À environ 3 arpents en amont du monastère, ce dernier relierait leur territoire avec l’autre rive adjacente à la Mistassibi. Un ingénieur civil est envoyé, monsieur Castonguay. Le travail est approuvé et les Trappistes fournissent les matériaux. Le charpentier Georges Barette, entrepreneur à l’emploi du gouvernement, est choisi pour la direction des travaux. Ainsi, en novembre 1898, la construction est achevée et les colons peuvent désormais traverser la rivière Mistassibi.

Couverte de bardeaux avec treillis verticaux espacés de 12 pieds, sa travée principale atteignait 55,2 mètres. L’ensemble était porté à 162 mètres.

En décembre 1932, le pont (de type town intermédiaire) brûle et la nécessité d’en construire un nouveau se fait sentir. Maître Georges Potvin, le député du comté, demande une nouvelle traverse le plus tôt possible. De façon temporaire, on procède à l’installation de bacs de fortune pour passer d’une berge à l’autre. Il faut payer pour avoir droit de passage.

Image :
Rivière Mistassibi : eau sous le pont, 1920. 
Source : 1920 – Cote : E57,S44,SS1,PB9-86 – Fonds Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques – Archives nationales à Québec – Id 287287

 

Le deuxième pont couvert (1933-1942)

Le deuxième pont couvert est finalement construit en 1933 et est, une fois de plus, fait de bois. La compagnie Price y fait quelques améliorations en décembre 1941, pour un montant d’un peu plus de 1600$. Environ 10 ans après sa construction, le 26 juillet 1942, le feu prend aux deux extrémités du pont, et ce, au même moment. En 15 minutes, tout est détruit. On soupçonne alors un geste criminel, un sabotage. Le trafic est dense entre Dolbeau et les Passes dangereuses, car d’énormes travaux sont à l’œuvre et le transport de matériaux est fréquent. Le pont est une perte totale et tout le système de convoyage est paralysé.

Encore une fois, on fait usage de bacs fournis par le gérant de la Price Brothers, monsieur R.-S. Armitage. L’installation temporaire était une demande des maires Jos. Bégin de Dolbeau, Antonio Hébert, du village de Mistassini, et Elzéar Savard, de la paroisse de Mistassini. On doit débourser pour le droit de passage sur un bac. La Sûreté provinciale ainsi que la police locale et fédérale se penchent sur le dossier du feu pendant ce temps.

Image :
Pont brûlé à Mistassini, 1942.
Source : Raymond Marchand. – 1942 – Cote : E6,S7,SS1,P5289 – Fonds Ministère de la Culture et des Communications – Archives nationales à Québec – Id131696.

 

Le pont de fer (1943-1959)

En 1943, un nouveau pont est en place pour remplacer celui ayant été incendié. Il est prêt à l’hiver, mais ouvert à la circulation en avril. Cette fois-ci, il est fait de fer et comporte une longueur de 58,5 mètres. Dû à la rareté de ce matériau, il aura fallu le faire transporter d’un autre endroit par fardier. Il provenait en fait de l’ancien pont du ruisseau Chambéry, à Vaudreuil. Cette structure datait de 1907.

Avec la nouvelle installation, il fallait attendre son tour avant de traverser puisque le passage était trop étroit pour permettre de croiser un autre véhicule. Le ministre de la Voirie reçoit, en 1946, une demande pour restaurer la route régionale de Mistassini jusqu’à Normandin et, par le fait même, améliorer la traverse au-dessus de la rivière Mistassibi. Parmi les arguments principaux, on relate que beaucoup de camionnage provenant de l’industrie forestière a lieu pour le transport de matériaux, que Dolbeau est le point de rencontre de plusieurs paroisses et que l’état du pont actuel est précaire, voire même dangereux. C’est ainsi que le pont couvert côté Dolbeau, le pont Price, est remplacé par un pont avec structure de métal et béton en 1948.

[Pour des détails sur le pont de Dolbeau, situé à proximité de celui de Mistassini, vous pouvez consulter l’article de blogue à ce sujet.]

Image :
Pont sur la rivière Mistassibi à Saint-Michel-de-Mistassini, comté de Roberval, 1944.

Source : J.C. Lucien Trempe. – 1944. – Cote : E6,S7,SS1,P23585 – Fonds Ministère de la Culture et des Communications – Archives nationales à Québec – Id 146138.

 

Le pont actuel de Mistassini (1960-)

En 1958, c’est au tour de Mistassini d’avoir une nouvelle structure, 30 pieds plus loin, sur les terrains de la St Lawrence et de monsieur Antonio Hébert. Le pont de fer n’aura donc été utilisé qu’une quinzaine d’années, mais il faut dire qu’il n’était pas « neuf » à l’origine, ni suffisamment large pour les besoins de ceux qui y circulaient.

Le projet du nouveau pont est en branle et la fin de la construction est prévue pour décembre 1959. Les plans sont préparés par le ministère des Travaux publics et la tâche de le bâtir est confiée à la compagnie Conduroc (de l’industriel John Murdock). La structure était à l’époque le seul pont de la province dont la forme arborera une courbe. Fait de béton armé et soutenu par 4 piliers d’acier, son coût frôle le demi-million de dollars. L’ingénieur en charge est monsieur L.-P. Paiement, de Québec, et c’est un homme de Dolbeau, Antonio Lupien, qui fait office de contremaître, avec 50 hommes à ses côtés pour la construction. La traverse est officiellement terminée en 1960.

Des travaux de doublage auraient été effectués vers 1993, en plus des travaux de réfection majeurs de 2022.

On honore feu monsieur Georges Villeneuve, ancien maire de Mistassini, député et notaire, en nommant le pont de son nom grâce au Programme de reconnaissance et de commémoration toponymique de la Ville de Dolbeau-Mistassini, en mai 2023.

Datant de 1960, le pont de Mistassini aura bientôt atteint la fin de sa vie utile. On prévoit une reconstruction dans 7 ou 8 ans, c’est-à-dire autour de 2030.

Fait intéressant : notre Société d’histoire a collaboré à la dénomination toponymique et à la recherche ayant menée à l’officialisation du nouveau nom, en collaboration avec la Ville de Dolbeau-Mistassini.

Par Frédérique Fradet, archiviste

 

Sources :

Gaétan Forest. « Un retour à Mistassini », Ponts couverts, février 2020 [En ligne : https://pontscouverts.com/blogue/2020/02/27/retour-a-mistassini-et-une-petite-pause/].
Marie Brassard. « À la sortie de Dolbeau : Le doublage du pont lié au développement minier », Journal Extra, Progrès-Dimanche, 2 mai 1989.
Serge Tremblay. « Un pont Georges-Villeneuve à Mistassini? », Nouvelles Hebdo, 4 avril 2023 [En ligne : https://www.nouvelleshebdo.com/actualite/un-pont-georges-villeneuve-a-mistassini/?fbclid=IwAR1pzPppInDNxmtt60DMYYDD7zHt5AN_8nwZHIEo8TP8YDPd-hTh4m7iG2k].
Serge Tremblay. « Pont de Mistassini : les travaux débutent le 29 mai », Nouvelles Hebdo, 25 mai 2022 [En ligne : https://www.nouvelleshebdo.com/actualite/pont-de-mistassini-les-travaux-debutent-le-29-mai/].
S.N. « Le député Potvin demande les 2 ponts », Le Colon, septembre 1942.
S.N. « Le pont de Mistassini », Dolbeau-Journal, 12 avril 1947.
S.N. « Le pont de Mistassini est mis en chantier », Dolbeau-Journal, 19 août 1958.
S.N. « Le Pont de Mistassini détruit par un incendie », Le Colon, 30 juillet 1942, p. 4 [En ligne : https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3554615].
S.N. « Nouveau pont à Mistassini au coût de $500,000.00 », Rencontres, 1958.

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Publié le juin 19, 2023